« On ne pensait pas que les problèmes politiques pouvaient nous affecter ». Au moment de l’annonce de la censure du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre dernier, Victor n’imaginait pas que sa vie allait devoir changer et aussi rapidement. La nouvelle a résonné comme une alarme dans le milieu des joueurs. Conséquence du non-vote du budget à l’Assemblée nationale, les sept clubs de jeux de Paris (qui ne proposent que des jeux de table sans machines à sous ni roulette) ne pourront pas rouvrir en 2025, laissant derrière eux des souvenirs de parties palpitantes et d’adrénaline pour les passionnés.

Dans le milieu des joueurs, cette annonce a eu « l’effet d’une bombe », développe Victor. Car, comme le confirme le jeune cadre dans la finance, les « joueurs plus occasionnels et récents ont découvert que l’autorisation des clubs sur Paris n’était que temporaire, un mirage qui s'est évaporé plus vite que prévu ». L’ambiance dans les clubs, autrefois animée par le son des jetons et les rires, se transforme en un silence pesant, une tristesse palpable parmi ceux qui s'étaient habitués à cette nouvelle réalité.

En effet, pour réduire l’influence des clubs clandestins qui prospéraient dans l’ombre, l’État a lancé en 2019 une expérimentation sur trois ans pour permettre l’ouverture des clubs de jeux de table. En raison de la crise du Covid, cette initiative avait été prolongée jusqu’au 31 décembre 2024 et devait faire l’objet d’un nouveau prolongement jusqu’au 31 décembre 2025 avec la loi Finances. Malheureusement, les vents politiques contraires ont mis un terme à toutes ces espoirs, plongeant les aficionados dans une incertitude consternante.

Vers une ruée des joueurs dans les clubs avant la fin de l’année

Face à cette situation, Coline, elle, prévoit de se ruer dans les clubs de jeux avant la fin de l’année. « Il y a plusieurs tournois prévus cette semaine, des événements incontournables pour tous les passionnés. Je n’avais pas l’intention d’y aller, mais avec cette décision, je vais me rendre sur place », explique celle qui est installée dans le Val-de-Marne, visiblement impatiente de profiter des dernières parties avant la fermeture.

Stéphane, lui, devait quitter Paris avec sa famille pour se rendre chez ses beaux-parents dans la région d’Annecy lors des fêtes de Noël, mais les plans ont été chamboulés depuis cette annonce. « Ce sont eux qui vont venir », dit-il en rigolant, conscient que la situation a modifié ses priorités. Le quadragénaire en profitera pour se rendre « tous les jours » dans son club habituel du 9e arrondissement. L’excitation et la mélancolie se mêlent alors qu'il se prépare pour ces visites tant attendues.

Désormais, tous n’espèrent qu’une chose, « que la situation ne durera pas trop longtemps ». Les esprits sont en ébullition, et les discussions autour d’une possible réouverture vont bon train. Cependant, en raison de l’instabilité politique et de la complexité de dégager un budget, la réouverture n’est pas pour tout de suite. Certaines sources évoquent une attente de cinq à six mois, laissant les joueurs placés dans une situation de vide désespérant.

Les joueurs contraints de fuir loin de Paris

Pour assouvir leur besoin de jeux, les amateurs vont devoir se tourner vers des solutions alternatives. La première consiste à se rendre sur « les sites de jeux en ligne », mais pour les habitués, la saveur n’est pas la même. « Se rendre sur place, avoir du contact avec les autres joueurs, toucher les cartes et vivre l’ambiance électrisante des jeux, ça ne procure pas du tout la même sensation que de rester derrière son ordinateur », explique Stéphane, nostalgique des moments partagés autour des tables.

L’autre, c’est de se déplacer hors de la capitale et même de l’Île-de-France. « J’ai déjà réservé des week-ends à Saint-Amand-les-Eaux, Le Havre ou Pornic qui ne sont pas si loin de la capitale. C’est devenu une nécessité pour moi de jouer dans un cadre réel », note Coline. « Certains de mes amis prévoient d’aller à Annecy ou Namur (Belgique), en quête de nouvelles expériences de jeu ». La passion pour le jeu les pousse à explorer de nouveaux horizons, à la recherche de l'adrénaline et de l'excitation.

Autre conséquence de cette crise pour les clubs de jeux. PokerStars et le Club Barrière ont décidé d’annuler l’EPT Paris (European Poker Tour) qui devait avoir lieu du 12 au 23 février 2025 au Palais des Congrès, Porte Maillot (17e). Il s’agit du plus grand tournoi de poker organisé dans la capitale, un événement qui attirait des milliers de joueurs. Les espoirs de voir des stars du poker se mesurer les uns aux autres s’envolent avec cette décision tragique.

« Cette décision est le résultat de changements imprévus dans la politique du gouvernement français et de l’évolution de la réglementation à Paris, qui échappent totalement à notre contrôle », justifient les organisateurs dans un communiqué relayé par le site Club poker, mettant en avant l’ampleur des répercussions de cette situation sur la communauté des joueurs.

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