Le gouvernement envisage d'autoriser les casinos en ligne en France. © AFP - Riccardo Milani / Hans Lucas

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Un amendement a été déposé par le gouvernement le samedi 19 octobre prévoyant d'autoriser les casinos en ligne, dans le cadre du projet de budget 2025. Ce sujet est sans aucun doute un vrai serpent de mer qui suscite des débats passionnés. Les gérants des casinos physiques, inquiets pour leur avenir, redoutent des "conséquences catastrophiques" qui pourraient nuire à l'ensemble de l'industrie.

Les opérateurs de jeux en ligne plaident depuis plusieurs années pour l'autorisation des casinos en ligne. Le gouvernement semble avoir enfin entendu leurs appels. En effet, un amendement a été formulé le samedi 19 octobre, visant à les autoriser, dans le cadre du projet de budget 2025, dont l'examen a débuté le lundi 21 octobre. Comme l'indique le texte, il s'agit d'une "mise en cohérence du cadre des jeux avec nos principaux voisins européens". Un constat a été fait, à savoir que "la France étant, avec Chypre, le seul pays de l'Union européenne à interdire les jeux de casino en ligne."

En 2023, trois millions de personnes ont joué illégalement sur ces plateformes en France, selon les estimations de l'Autorité nationale des jeux (ANJ). Ces sites, souvent hébergés à l'étranger, offrent une large gamme de jeux similaires à ceux que l'on trouve dans les casinos physiques, y compris les machines à sous et la roulette. La loi de 2010 sur les jeux d'argent en ligne ne permet que les paris sportifs, les paris hippiques et le poker en ligne. "Cette interdiction a entraîné le développement d'une offre illégale de grande ampleur ces dernières années", souligne l'amendement du gouvernement. Ce dernier fait également état d'une étude commandée fin 2023 par l'ANJ, qui révèle que les gains générés par l'offre illégale des jeux d'argent en ligne se chiffrent "entre 748 millions et 1,5 milliard d'euros, soit entre 5% et 11% du marché global des jeux d'argent".

Des recettes fiscales pour l'État

En ouvrant la voie à l'autorisation des casinos en ligne, le gouvernement entend "limiter l'impact sur la santé publique des consommateurs" et "contrôler cette offre de jeux", comme le mentionne le texte. L'objectif est de mettre un frein au développement illégal de ces plateformes et de les réguler en leur imposant d'agir sur la prévention du risque d'addiction. En outre, l'État envisage également une taxation des casinos en ligne à plus de 55%, afin de compenser cette période de crise budgétaire. L'Autorité nationale des jeux estime que cette taxation pourrait rapporter 800 millions d'euros annuellement à la France.

"Nous aurions 15.000 emplois supprimés"

La légalisation des casinos en ligne en France est cependant vivement contestée par les établissements physiques, qui plaident pour que ce marché leur soit exclusivement réservé. "Nous sommes extrêmement préoccupés et agacés, car nous craignons que les conséquences soient désastreuses pour notre secteur", déclare Grégory Rabuel, président du groupe Barrière et du syndicat des Casinos de France. Ce dernier affirme avoir découvert cet amendement "samedi soir", tout comme ses collègues du secteur. Pour lui, cette mesure est "totalement cachée, totalement irréfléchie et mise en œuvre sans aucune concertation avec les parties prenantes".

Grégory Rabuel souligne plusieurs dangers liés à cette proposition, notamment pour les employés du secteur : "Nous estimons qu'en l'espace de douze mois, suite à l'adoption de ce projet de loi, nous risquons de perdre 15.000 emplois dans nos casinos. En effet, 65 des 202 casinos pourraient fermer leurs portes", déplore-t-il. Le chef d'entreprise ne comprend pas non plus la logique du gouvernement : "Michel Barnier veut récupérer des recettes fiscales grâce aux jeux en ligne, alors que, dans le même temps, les casinos physiques vont connaître une chute de 20 à 30 % de leur chiffre d'affaires", affirme-t-il. Cette filière casino contribue à hauteur de 1,5 milliard d'euros à l'État et aux collectivités, "nous allons, en revanche, devoir réduire nos versements de 450 millions d'euros", conclut-il.

Enfin, Grégory Rabuel s'inquiète également pour la santé des joueurs. Pour lui, "c'est troublant de constater que le Premier ministre désigne la santé mentale comme une priorité nationale" tout en mettant en place des mesures qui risquent d'exposer les Français à de graves risques d'addiction juste pour quelques millions supplémentaires", souligne le président du syndicat des Casinos de France.

Le point de vue d'un psychiatre

"On a vraiment une drogue potentielle", met en garde de son côté Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’université Paris Cité, concernant l'autorisation des casinos en ligne. Le gouvernement assure que des messages de prévention sur l'addiction seront imposés aux opérateurs. "Tout ce qui parvient à rendre l'accès plus difficile, plus contraint, qui impose de se déplacer et qui établit des interdictions claires pour les mineurs ainsi que pour les personnes déjà dépendantes, rassure le médecin que je suis", reconnaît Michel Lejoyeux. Cependant, le praticien reste sceptique quant à l’efficacité réelle de ces messages de prévention. "C'est un peu comme dans les cafés où l'on vous informe que 'l'usage d'alcool est dangereux pour la santé', on sait tous à quel point cela limite la consommation", ironise le psychiatre.

D'après une enquête menée par Consumer Science & Analytics (CSA) et l'Association Française des Jeux en Ligne (AFJEL), 62% des Français se déclarent favorables à un encadrement législatif des jeux de casino en ligne, comme le révèle une étude mise en lumière ce mardi 22 octobre par franceinfo.

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