Pour s’assurer des recettes fiscales indispensables pour son budget 2025, le gouvernement Barnier se tourne vers une option pour le moins surprenante : celle de légaliser les casinos en ligne.

Bien que ces sites soient actuellement illégaux, leur présence sur la toile est massive, et ils constituent un manque à gagner pour l'État qui s'élève à un milliard d’euros.

Le débat s’intensifie autour de cette question, entre concurrence déloyale et risques d’addiction, soulevant déjà de nombreuses interrogations.

Jusqu’à présent, aucun gouvernement n’avait osé franchir cette barrière. Mais le ministère des Finances a su convaincre Matignon d’envisager la légalisation des casinos en ligne, et ce, dans le sillage d’un avis défavorable émis par le Conseil d’État en ce qui concerne une éventuelle augmentation de la fiscalité sur les jeux d'argent classiques. Le gouvernement, dans sa quête de nouvelles sources de revenus, a ainsi déposé un amendement le 19 octobre dernier. Ce projet entre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, et ce, quatorze ans après l’ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne. Bien que l’objectif affiché soit d’encadrer cette activité illégale en pleine explosion, les informations recueillies indiquent que le but principal est de générer un milliard d’euros de recettes fiscales supplémentaires par an.

Actuellement, les seules plateformes de jeux d'argent autorisées sur Internet sont les paris sportifs, les courses hippiques, et les jeux de loterie de la Française des Jeux. En revanche, les machines à sous, le blackjack, et la roulette restent exclusivement réservés aux casinos traditionnels. Les clients des établissements terrestres ne cachent pas leur mécontentement face à ce projet gouvernemental. "Dans le monde virtuel, je crains qu'il y ait une dérive malsaine", s'exclame un client interrogé par TF1 lors du reportage diffusé le lundi 21 octobre. "Dans un casino, lorsque je gagne un peu, je me retire. Mais à domicile, l’atmosphère est différente, et on a souvent tendance à rejouer." La réticence face à la légalisation grandit.

Une proposition questionnée qui pourrait nuire aux casinos physiques et aux finances des communes où ils se trouvent

Céline Bonnaire, experte en addictions comportementales à l'université Paris Cité, confirme ces inquiétudes : "Les études démontrent que les machines à sous sont parmi les jeux les plus addictifs car les gains sont fréquents, même s'ils sont modestes, contrairement à une partie de poker, qui reste limitée dans le temps", alerte-t-elle. Dans le cadre d’une interview, le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a reconnu que le sujet est délicat, en affirmant que le problème n’est pas pris "à la légère". Il a également souligné l’importance de réguler et de taxer les sites illégaux pour renforcer "l'effort fiscal national".

Les gouvernements précédents ont hésité à prendre cette décision, craignant de destabiliser l'ensemble du secteur des casinos, qui représente près de 45.000 emplois directs et indirects. Depuis le dépôt de cet amendement, le secteur s’insurge, craignant une perte potentielle de 15.000 emplois et la fermeture de 80 établissements parmi les 204 que compte le pays, dans un horizon d’un an. "L’absence de concertation est frappante. Nous avons été pris de court en découvrant cela le samedi. Je comprends parfaitement que le gouvernement cherche de nouvelles recettes fiscales. Mais cette décision semble être une fausse bonne idée qui compromet les casinos physiques ainsi que les ressources fiscales des collectivités locales où ils sont établis." Philippe Bon, délégué général de Casinos de France (incluant des groupes comme Barrière, Tranchant, Partouche, et Joa), a exprimé ces préoccupations dans les médias.

Une taxation potentielle supérieure à 50% ?

En contrepartie de cette concurrence jugée déloyale, le gouvernement avance l’idée de taxer les casinos en ligne à plus de 50 %. "Avec Chypre, la France est aujourd'hui l'un des rares pays de l'Union européenne à interdire les jeux de casino en ligne", précise le texte de l’amendement, appelant ainsi à "une harmonisation du cadre réglementaire de nos jeux d'argent avec nos voisins européens". L’examen de ce texte a débuté à l’Assemblée nationale le 21 octobre, alors que le marché des jeux d'argent, en constante augmentation, génère annuellement plus de 13 milliards d'euros de revenus. Plus de trois millions de Français ont visité ces sites illégaux l'année dernière, avec des gains estimés entre 748 millions et 1,5 milliard d’euros, représentant entre 5 et 11 % du marché total des jeux d'argent, sans qu'un centime ne revienne à l'État.

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